Allysandre Leroy

Une pièce plongée dans la pénombre, seule la lumière venant du couloir éclaire un peu les protagonistes. Une douce voix de femme remplie la pièce de doux murmures, parfois coupée par une voix enfantine.

"Il était une fois une très jolie princesse qui rencontra un prince charmant. La princesse se promenait dans un très beau village qu'elle aimait beaucoup. Elle chantait gaiement sur le chemin. Le prince charmant entendit sa très belle voix et voulu savoir qui chantait. Alors il suivit le son dans les rues du village jusqu'à ce qu'il la trouve."
"C'est à ce moment là qu'il tomba amoureux maman ?"
"Oui ma chérie. Le prince tomba fou amoureux de la princesse. Il s'approcha d'elle sur son magnifique destrier."
"Il était de quelle couleur son cheval ? Il s'appelait comment ?"
"D'un blanc le plus pur. De grands yeux bleus et sa crinière était la plus belle de tous les royaumes. Il portait le noble nom de Roi."
"Roi !" termine la voix de l'enfant en même temps que la femme.
"Oui. Il s'appelait Roi et il le méritait car c'était le plus beau. Le prince charmant et Roi s'arrêtèrent près de la princesse. Le prince descendit de son cheval et se présenta à la princesse. La princesse était très effrayée par ce jeune homme qu'elle ne connaissait pas. Et puis elle était victime d'une malédiction. Une sorcière lui avait dit qu'elle tomberait amoureuse du plus beau des hommes et qu'elle mourrait le cœur brisé par cet homme."
"Maman, Jasmine dit que les sorcières sont méchantes."
"C'est parce que Jasmine ne connait pas de sorcière."
"Oui maman. Et elle était gentille la sorcière de l'histoire hein."
"Oui ma puce mais il faut que tu me laisses raconter l'histoire sinon tu ne le sauras jamais. Je continue ? ... Au début la princesse ne fit pas attention au prince mais il la couvrait de cadeau, lui promettait de la rendre toujours heureuse si elle acceptait de venir dans son château et de l'épouser. La princesse était si sensible à ses attentions qu'elle finit par tomber amoureuse à son tour. Mais intelligente et parce qu'elle se souvenait des paroles de la sorcière elle demanda trois gages d'amour à son prince. Tu sais lesquels ?"
"Le château de cristal, l'arbre aux fleurs d'hivers et la bague du roi des géants."
"Bravo ! Le prince mit longtemps à rassembler ces merveilles. Veux-tu que je te raconte ce soir comment il a fait construire le château ? Ou ... voler la bague ?"
"Non raconte moi lorsque la princesse est victime de la malédiction."
"D'accord. Le prince après bien des péripéties et des dangers réussit à donner à sa belle les trois gages qu'elle lui avait demandé. Alors ils partirent vivre dans le château de cristal. Et pendant un temps ils furent très heureux. L'arbre était planté au milieu du palais pour que la princesse puisse le voir chaque jour et elle portait la bague du géant en guise d'alliance. Le prince et la princesse étaient très heureux mais petit à petit le prince se mit à rêver de repartir visiter les royaumes qu'il ne connaissait pas sur le dos de Roi. La princesse voyant le prince triste était triste aussi. Alors elle dit au prince de partir vers ces voyages mais il devait toujours lui revenir au moment du solstice d'hivers."
"C'est quand le solstice maman ?"
"Comme si tu ne le savais pas."
"C'est le jour de mon anniversaire !"
"Coquine va. Donc une année le prince ne revint pas au moment du solstice. La princesse l'attendit toute la journée et son cœur se serrait alors que minuit approchait. Lorsque minuit sonna elle sut que le prince ne reviendrait pas. Alors son cœur se brisa comme dit dans la malédiction."
"Mais elle avait écouté les conseils de la sorcière."
"Oui elle les avait écouté. Alors au moment ou son cœur se brisa le château de cristal répercuta dans tous les royaumes le bruit de ce cœur trahit. La bague du géant arrêta le temps pour la princesse. Car tel était son pouvoir. Elle permettait de garder la dernière seconde de vie d'une personne. La sorcière prévenue par la clameur du cœur arriva très vite au château. Elle y trouva la princesse couchée sous l'arbre aux fleurs d'hivers. Alors elle prit l'une de ses fleurs et y laissa tomber une des larmes de la princesse. La fleur se referma avant de se mettre à grandir. Et lorsque vint la lumière de l'aube elle s'ouvrit."
"Et dedans il y avait un bébé."
"Une très jolie petite fille. Lorsqu'elle vit le bébé, le cœur de la princesse se remit à battre. Elle était désormais sauvée de la malédiction qui pesait sur elle. La sorcière laissa alors la princesse et sa fille faire connaissance. Elle ne prit pour tout salaire qu'une des fleurs de l'arbre d'hivers."
"La princesse et sa fille sont heureuse ?"
"Oui très heureuse. Bien il est temps de dormir maintenant."
"Oui maman, bonne nuit."
"Bonne nuit ma chérie."

La femme se dirigea vers la porte et va pour la fermer lorsque la voix de l'enfant l'interpelle.

"Maman."
"Oui ?"
"Comment elle s'appelle la petite princesse déjà ?"
"Allysandre, ma puce. Elle s'appelle Allysandre."

Le sourire de la femme pouvait se lire dans sa voix. La porte se referma sur l'enfant qui rêvait déjà ...

Testament de Marine Leroy déposé à l'étude de Maitre Gustave Filibert.

Je sous-signée Marine Leroy, Fille d'Abigaëlle et Nolan Leroy, déclare qu'à ma mort ou en cas de gros problème de santé ma fille Allysandre Leroy doit être confiée à son père naturel Steve McDouglas. Maitre Filibert devient mon exécuteur testamentaire et tuteur de ma fille d'ici là.

Signée Marine Leroy.

Une lettre récemment ajoutée est adressée à Maitre Filibert

"Cher Gustave,

De nous deux tu pensais partir le premier. Mais les médecins me laissent peu d'espoir et de temps à garder la tête sur les épaules. J'ai malgré tout assez de force pour te confier mes craintes concernant le père de mon enfant. J'aimerais que tu veilles sur elle, de loin en loin, je t'en pris. Elle te considère comme un vieil oncle alors rends-lui visite autant que tu le peux. Ma petite Allysandre va devoir vivre des moments pénibles. Je t'en pris console là et je te le redis prends soin d'elle. Je l'aime très fort, répète le lui aussi souvent que tu peux. Je souhaite que ma fille grandisse heureuse. Alors promet le moi. Je me rends compte que je ne cesse de me répéter et cela t'agace surement. C'est qu'elle est si petite, si fragile. En plus de ma disparition elle va devoir se faire à son père, même si je l'ai préparée. Elle va devoir aussi quitter son école et ses amis, plonger dans une autre culture qu'elle a si peu côtoyée jusqu'à maintenant. Mais je ne m'en fais pas tu seras là n'est-ce pas.

Alors adieu mon ami.

Je t'aime Allysandre.

Marine."

L'appartement parisien de Marine et Allysandre se situait dans un petit quartier paisible. Situé au deuxième et dernier étage d'une ancienne maison victorienne reconverti en plusieurs appartements. L'appartement en lui-même était petit mais avait autrefois été bien tenu et avec gout. Aujourd'hui des cartons s'empilaient aux quatre coins de la pièce. Un coin était épargné. On avait dresser la table pour l'heure du thé et la théière fumait. Maitre Filibert avait choisit de rester dans l'appartement où Allysandre pourrait se sentir plus à l'aise face à l'homme qui allait lui être présenter. En vieil anglais qu'il était, le Maitre avait choisit l'heure du thé pour cette rencontre. Il savait que bien des gens étaient moins nerveux s'ils avaient à boire ou à manger à portée de main. Convaincre Steve de venir n'avait pas été simple. Surtout que le vieil avocat ne lui avait pas révélé ce que lui avait légué Marine. En tant qu'exécuteur testamentaire il allait devoir le lui annoncer. Et il se préparait à l'éventualité d'un refus hélas. A son âge, lui-même ne pourrait pas s'occuper très longtemps de la petite. Pensées qui le préoccupait au plus haut point.

Allysandre, vêtue d'une robe grise, jouait tranquillement à la poupée dans sa chambre. Gustave lui avait expliqué avec soin que c'était son père qui allait venir la chercher. Mais que ce n'était pas assuré. Il ne voudrait peut-être pas d'elle. Elle s'était faite belle pour ce papa qu'elle ne connaissait pas. C'était bizarre parce qu'elle avait toujours vécue sans papa et avec une maman et voilà qu'elle allait devoir vivre sans maman et avec un papa. Elle voulait se mettre à pleurer mais comme il serait là bientôt elle ne voulait pas l'accueillir avec des larmes. Alors elle se mit à gronder sa poupée qui pleurait pour un petit bobo de rien du tout lorsqu'on sonna à la porte. Allysandre se leva vivement et courue à la porte. Un grand sourire sur le visage, son autre main maintenant sa poupée contre son cœur qui battait la chamade, elle s'adressa à l'homme qui lui faisait face.

"C'est toi mon papa ?"

Allysandre avait tout juste sept ans ...

La vie avec son père ne fut pas facile tous les jours. Elle dut changer de continent, changer d'appartement, changer d'école, se faire de nouveaux amis et surtout essayer de comprendre ce papa qui s'absentait si souvent. Heureusement, il avait engagé une baby-sitter assez sympathique qui s'occupait d'elle très bien. Mais ça ne remplaçait ni son père, ni sa mère qui lui manquait énormément.

Allysandre s'était faite une raison. Sa mère était devenue folle. Maladie de famille, elle avait fait son apparition alors que la petite Ally avait tout juste quatre ans et bien que la jeune femme faisant son possible pour cacher son état à la gamine, cette dernière avait vite remarqué les malaises de sa mère. C'est à cette période que la fillette fit la connaissance de Gustave. Le vieil homme était comme un oncle pour elle et elle se raccrochait à lui autant qu'elle le pouvait. Suite à son départ chez son père, elle ne put plus voir autant qu'elle le désirait mais le vieil homme lui téléphonait au moins une fois par semaine voir plus si elle en ressentait le besoin.

Les années passèrent et la gamine s'habitua doucement à cette nouvelle vie. Se battant pour s'intégrer à l'école grâce à son humour et faisant tout pour plaire à son père dès qu'elle rentrait à la maison. Elle commençait à se dire qu'elle pourrait se faire à l'ignorance de son père quand celui-ci rentra avec une jeune femme et la présenta à Allysandre comme était une amie. Mais Allysandre était loin d'être bête et elle avait très bien comprit qui était la jeune femme. Méfiante au début, elle accorda petit à petit sa confiance à la jeune femme qui s'occupait d'elle régulièrement quand Steve n'était pas à la maison. Petit à petit, elle finit par comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue, la femme lui lançait des regards noirs à longueur de journée et faisait tout pour la mettre mal à l'aise. Heureusement son père remarqua tout ça et il l'attira à l'écart avant de jeter sur la table une dizaine de brochures venant de différentes universités. Il lui annonça qu'elle ferait son entrée dans celle de son choix dès l'année suivante mais qu'elle devait choisir rapidement. Complètement surprise de l'attitude de son père, elle lui lança un regard noir avant d'en prendre une au pif, celle de la Kiss Academy.

Une demi-heure plus tard, elle était en larmes au téléphone avec Gustave qui, n'ayant pas de famille hormis la petite Allysandre, décida de déménager à Arcadia pour s'occuper de la jeune fille lorsqu'elle n'est pas au lycée de façon à ce qu'elle ne soit pas obligée de retourner chez son père qu'elle haïssait déjà bien assez.